Assumer son plan

En Scrimicie, on parle beaucoup de plan. On dit à nos élèves que s’ils sont à portée de combat, ils doivent savoir ce qu’ils y font, et ils doivent l’avoir choisi, sans quoi ils doivent se désengager pour prendre une décision. Bien entendu, plus on est compétent, plus on peut prendre le contrôle d’une entrée en portée qui n’a pas été initialement choisie. On peut devenir si menaçant et si bon en défense à la fois qu’on peut accepter de laisser l’adversaire entrer à sa guise et le gérer adéquatement le moment venu. Cependant, au départ, l’objectif est de choisir. Tout d’abord, car pour être capable de faire des touches, il faut avoir des cadres de référence, et tant qu’on ne frappera pas, qu’on n’essaiera pas, on aura rien. C’est un concept dont j’ai parlé dans l’article sur l’importance d’essayer.
Donc comment assumer son plan quand on est incertain que l’action va fonctionner?
Bien entendu, le truc que je donne ici est surtout au niveau de l’entraînement pour développer de l’expérience dans la planification afin de réduire l’hésitation lors de l’exécution.
- La première étape est de faire des essais hors de portée, ou en frôlant la limite de la portée. Vous pouvez même CHOISIR pendant un bref moment d’entrer à portée de combat sans être obligé de toucher. Ça doit juste être un choix. Entrez, feintez, donnez des coups, jouez avec l’épée de l’adversaire. Observer les réponses. Identifiez-en une. Sortez de là (sauf si vous êtes assez inspiré ou talentueux pour exploiter tout de suite une telle réponse, mais pour les besoins de la pratique, je vous recommande de reculer pour être sûr que votre décision soit réfléchie).
- La seconde étape, c’est la préméditation. Ce qui fait qu’on est en danger lorsqu’on est à portée sans avoir choisi, c’est que l’adversaire, s’il est un minimum talentueux, a déjà choisi ce qu’il allait faire. Ce faisant, ça signifie qu’il a une longueur d’avance pendant que vous allez devoir prendre le temps de décortiquer ce qu’il fait. Choisissez donc exactement votre plan, basé sur votre observation antérieure (par exemple si vous avez feinté et qu’il a mordu tout de suite, refaites cette feinte puis frappez une cible qu’il a exposée).
- La troisième étape, c’est l’exécution. En sécurité, vous avez choisi votre plan. Vous avancez, faites votre feinte, et frappez.
Ce qui est important, surtout au début, c’est de juste le faire. Videz votre tête des questions, des hésitations ou de la crainte de l’échec, concentrez-vous sur l’exécution de votre décision.
La raison pour laquelle je veux qu’en point 1 vous reculiez et preniez une décision consciente, c’est qu’en point deux, vous avez le temps de choisir exactement ce que vous allez faire. Donc vous avez commencé à programmer un processus qu’éventuellement vous pourrez faire en un clin d’oeil, dans un duel très dynamique et explosif, plutôt que par des approches avant-arrière, défenseur\attaquant, etc.
Finalement, lorsque vous plongez pour exécuter, votre décision est prise. Assumez-la. Vous êtes en duel de pratique. C’est le moment de perdre. L’objectif c’est que vous fassiez votre plan, et que s’il réussit, vous soyez capable de voir ou ça a réussi. De plus, si cela échoue, que vous soyez capable de voir ou est-ce que ça a planté. Néanmoins, si vous ne le faites pas, vous ne saurez pas.
Si vous l’interrompez, vous programmez le doute et vous vous exposez à portée sans agir et imposer votre rythme.
Si vous hésitez, vous baissez la pression et votre plan qui aurait peut-être été bon ne le sera pas car l’adversaire a pu reprendre ses esprits et répondre.
Donc du moment qu’à l’étape deux vous avez fait votre choix, à l’étape trois vous passez à l’action. Et la réussite ou l’échec du plan vous donnera des informations. Votre objectif, c’est l’information. Mais pour assumer son plan, il faut l’avoir choisi et prémédité et ensuite l’enchaîner.
Petit bémol, qui sera adressé dans un article ultérieur. Dans un véritable combat (compétition, duel dans un contexte historique, etc.), vous ne voudrez bien sûr pas foncer à l’aveugle. À force de faire des plans et d’être capables d’observer sur quoi les baser, vous exécuterez des plans qui fonctionnent plus ou moins. Mais en sachant pourquoi ils ne fonctionnent pas, vous serez de plus en plus capables d’anticiper quand avorter ou quand poursuivre un plan selon les signaux que vous avez appris.